THE COMMEDIA MUST GO ON
PROLOGUE «VIRTUEL» DE L’AUTEUR
Smorfia: Prologo, 61
Dicette Pullecenella:
‘A ccà me trase e pe’ culo m’esce
de la version papier de
VITA MORTE E RESURREZIONE DI
PULCINELLA
Le Masque qui a gardé en vie
la Commedia dell’Arte
de Antonio Fava
Dans la version papier de mon PULCINELLA, le lecteur patient remarquera que j’insiste sur certains concepts. Il y a deux raisons à cela: la première découle de l’expérience de l’enseignement par laquelle j’ai appris que la répétition des concepts et des principes fondamentaux n’est jamais excessive; la seconde est la conséquence de l’élaboration de ce livre, qui s’est déroulée de manière aventureuse dans des temps et des lieux divers, y compris les non-lieux comme les aéroports et les avions lors de voyages, des temps d’attente. Les trains, les gares ont leur part dans tout ça, sans compter les hôtels et toutes les ballades (non accompagné bien sûr). Ce sont donc des temps et des lieux très précieux et irremplaçables pour écrire un livre, puisque 90 % de mon temps actif est social. Ainsi lors de la relecture de mes notes je me suis trouvé devant une certaine quantité de répétitions. J’ai pu en résoudre certaines, mais je n’ai pas voulu les résoudre toutes. Repetita Juve, dit mon bien cher ami et collègue le Dottore Arcifanfo Spidocchioni de la Bien Noble Compagnie des Briganti della Bastina. Je préfère la leçon classique, Repetita Iuvant, mais n’aller pas le dire au Dottore Arcifanfo, si non il me servira une disceptatio infinie.
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1. ceux qui en écrivent l’histoire (historiographie théâtrale)
2. ceux qui en développent l’analyse (critique théâtrale)
3. ceux qui en souhaite la disparition (aversion du théâtre) Les professionnels du théâtre et le public qui le fréquente en sont exclus. Les trois catégories sont souvent réunies en une seule personne.
« A peine sont-ils entrés dans la ville, qu’on fait savoir à coups de tambour que ces tels Sieurs Comiques sont arrivés, que la Signora se promène habillée en homme avec l’épée en main pour faire la revue, et le peuple s’invite à une comédie, ou à une tragédie, ou à une pastorale dans une bâtisse, ou à l’Auberge du Pelleri, où la plèbe désireuse de choses nouvelles et curieuse par nature se presse à remplir la pièce, se place au moyen de monnaie dans une salle préparée. Là se trouve un plateau sur des tréteaux, une scène peinte au charbon sans aucun sens du monde ; on entend auparavant un concert d’ânes et de bourdons; on ouït un prologue de charlatan au ton maladroit comme celui de Fra Stoppino ; des actes fâcheux comme la peste; des intermèdes aux mille directions; un Magnifico qui ne vaut pas un clou, un zanni qui ressemble à un idiot, un Graziano qui caque les mots, une ruffiana niaise, un Spagnuolo qui ne sait proférer que « mi vida » ou « corazon », un pédant qui pioche dans les mots toscans à chaque trait, un Burattino qui ne sait faire que le geste de mettre son chapeau sur la tête, une Signora moche surtout dans son parler, morte de barjaquer, endormie dans la gestion, en perpétuelle inimitié avec les grâces et qui tient, grâce à sa beauté, bien des capitaux. »1 [sic, tout]. »
Le langage est fleuri, semblable au langage théâtral tellement déprécié; il y en a assez pour reconstruire tout un monde, un mode de vie, un métier. Le cher Garzoni est sans doute le témoin d’une mauvaise représentation d’une (ou de plusieurs) compagnie de bas niveau. L’exemple de ce zanni, «un Burattino qui ne sait faire que le geste de mettre son chapeau sur la tête » est ponctuel. Nous constatons ensuite, à partir de diverses images historiques d’époques différentes et avec des compagnies et des artistes variés ainsi qu’à partir de bien des scénarios, qu’il était d’usage effectivement de faire de multiples jeux avec son béret.
Si la Commedia était vraiment conforme à ces « analyses », nous serions démunis face aux histoires des personnages, tellement normales, tellement urbaines, tellement laïques, tellement concrètes : puisqu’il en est ainsi dans le répertoire qui engage les comédiens dans soixante-dix pour-cent des titres, tout comme, à côté, c’est le cas dans les répertoires « fantastiques » et « merveilleux » des trames pastorales, magiques et celles royales, torves, tragiques, truculentes. En regard de la petite (en proportion) quantité de magiciens, de magies, d’exécutions capitales, d’apparition d’êtres supérieurs et inférieurs de tout genres, on trouve toujours, immanquablement, constamment au centre, les perpétuelles références indispensables : les drôles normaux, laïcs et concrets. Ce sont les Vecchi avec leurs salivations attardées, les Servi avec leur état de survie permanent, les Innamorati et leurs peines d’amour, les Capitani avec leur suffisance, à nous rappeler que ce sont eux les porteurs de l’authentique vérité concrète humaine et sociale. Ils l’imposent, ils l’affirment, toujours. Et où sont-ils lorsque certains ont divulgué la bourde historique de la Commedia-Diablerie, l’aspect scientifique, l’exactitude, la probité qui les caractérise,
Est-ce qu’il y a quelque de chose de scientifique dans tout cela ? Sont-ils scientifiques lorsqu’ils dépensent en papier, encre, megabytes pour expliquer l’étymologie de ce nom malheureux, unique parmi les centaines, voire les milliers de noms des autres personnages ? Combien de noms et lesquels pour les deux Vecchi ? Combien de noms et lesquels pour les Innamorati ? Et pour les Capitani ? Des milliers en somme ! Chaque nom a son histoire et une signification propre, et donc un comportement. Tout cela ne compte-t-il pas ? Il y en aurait juste un d’intéressant ? Le seul imputé (forcément) à un petit diable qui expliquerait tout le système ? Vraiment ? Un nom ! Un nom seulement et toute la Commedia dell’Arte se trouve effacée au profit d’un seul personnage et réduite à l’évocation d’un monde fantastique qui n’a vraiment rien à voir avec la Commedia dell’Arte. Et plus que tout qui n’a aucunement à voir avec Sa naissance, Son origine, le moment où en apparaissant – Laïque et de la Renaissance, Urbaine et Concrète – Elle déclare tout d’Elle-même et Son futur, y compris le futur baroque et dégénérant dans lequel on jette de tout, tel une vaste décharge généreusement accueillante ( comme les petits diables moralistes importés de l’étranger, accompagnés de tous les dieux de l’Olympe et créatures bigarrées). Cette phase baroque n’a aucunement sali la Commedia dell’Arte car les types fixes ont résisté : laïcs, urbains, concrets et de la Renaissance, jusqu’au fond.
Je crois que le refus de voir une structure dans un système expressif qui a créé un métier et qui l’a enseigné à tous, qui a tenu avec cohérence pendant des siècles et qui tient encore aujourd’hui, est un legs de cet embarras qui a contraint les mauvais historiens du siècle précédent, toujours influents, à s’inventer la généalogie diabolique des masques de la Commedia. Ils pensaient et leurs descendants (nous en sommes à la troisième génération) continuent à penser, que l’Improvvisa est une petite chose, une bricole, une bagatelle, une broutille (et je vous épargne la multitude de synonymes référencés dans le dictionnaire). Ce n’est pourtant pas un mépris profond et incontrôlable qui les amène à refuser l’existence d’une structure dans la Commedia. Non. C’est quelque chose de bien plus embarrassant. C’est leur incapacité à voir cette structure. Et pourquoi ne la discernent-ils pas ? Car on l’aperçoit uniquement si on la fait. Est-ce qu’ils la font ? Seraient-ils capables de la faire ? Non et non. Ce ne sont pas tous les gens de théâtre qui sont capables de l’expliquer : mais tous sont capables de la comprendre et de la mettre en pratique. À l’intérieur de cet œuvre, en me servant du grand masque de Pulcinella, je parle de la poétique de la Commedia,
Dans VITA MORTE E RESSURREZIONE DI PULCINELLA, je me sers donc du grand personnage pour parler de la Commedia. Pourquoi ainsi, de cette façon ? Pulcinella est le seul masque qui n’a pas connu d’interruptions historiques. Pulcinella est la garantie historique de la continuité de l’Improvvisa. Pulcinella a tiré en avant, en pleine époque romantique, alors que la Commedia avait disparu du continent, tout le genre et son évolution : Pulcinella est le morceau de Commedia qui l’a régénérée et reconstruite en entier. Pulcinella, le Grand Survivant, a fait survivre tout un monde. Et Pulcinella est humain. Très humain. Il y a de fausses idées qui circulent sur Pulcinella de nos jours: il serait (Oyez ! Oyez !) malin, maléfique. L’influence des théories « diaboliques », évidemment, est arrivée jusque-là, jusqu’à contaminer un personnage qui est l’expression de l’être humano-social par excellence, un être exposé à tous, vraiment tous les drames possibles, difficultés, embrouilles quotidiens et cela toujours comme victime. Car Pulcinella est un « pollo » (pollo en italien signifie poulet mais désigne également un sot, un corniaud. Nous le précisons ici, car les origines de Pulcinella avec la famille des gallinacés viennent de ce trait particulier de son caractère), un imbécile, un idiot ; il l’est, car il est profondément bon. C’est l’exact et parfait contraire des théories alambiquées sur le Pulcinella malfaisant (Qui donc invente ces bestialités suprêmes ? A-t-il ou elle un nom ? Qui est-ce qui divulgue ces saletés absolues sans aucun fondement historico-artistique? Qui le sait parle!).
Antonio Puricinedda (Pulcinella en calabrais) Fava
Reggio Emilia, Italia, janvier-février 2014
Notes:
1. Tommaso Garzoni, La piazza universale di tutte le professioni del mondo, Venise, 1589.
2. Voici un des nom parmi des centaines pour le 2nd zanni de l’Improvvisa. Ce n’est pas un personnage à part, mais la variante avec un certain nom du type présent dans toutes les comédies avec une multitude de noms différents. Et ceci est valable pour tous les types fixes, peu nombreux, de la Commedia : le Vecchio est scindé en deux caractères, le Magnifico et le Dottore ; le Servo en deux également, le Premier et le Second ou le futé et l’imbécile ; l’Innamorato est inévitablement en couple ou plusieurs couples dans bien des comédies ; le Capitano. Il n’y a rien de plus. D’autres personnages sont de « passage », utiles à cette comédie en particulier, et ne peuvent être inclus dans le groupe restreint et privilégié des « fixes » ou incontournables. Toutefois, bien que les types soient restreints, les noms sont innombrables. Pourquoi ? Pour la simple raison qu’en regard d’un acteur qui porte en avant le personnage acquis dans une famille d’Arte ou d’un Maître de renom, il y a une majorité d’acteurs qui inventent leur propre nom et le propre maschème pour rester en tradition, certes, mais avec un signe distinctif propre, voire plusieurs. Arlecchino est donc seulement un des nombreux noms pour le valet stupide. Considérons en outre que bien des 2ndzanni avec d’autres noms, ont le même aspect qu’Arlecchino, avec le costume rapiécé – qui est devenu ensuite celui orné de losanges élégants – coloré, avec le même béret, la même frimousse foncée et en générale camuse. Le mythe est né sur le papier : dans les années Cinquante du XXesiècle, les premières théories sur le masque-diable ont fait leur apparition. Dès lors tout le monde parle de cette créature comme s’il elle existait, mais personne ne la met en scène car c’est une aliène, aliène du genre et de toutes les comédies, elle est inutilisable. L’unique effet produit, concret et critiquable, a été tout au plus le « protagonisme » de cette variante, littéralement polluant. Mesdames et messieurs, nous ne trouvons pas dans la Commedia UN protagoniste, tout simplement parce que tous les personnages le sont. Les compagnies de l’Arte ont créé un système d’accord entre spécialistes, entre maîtres, entre semblables, avec deux uniques obligations pour tous : être bons et satisfaire le public.
3. Massimo Troiano, Discorsi delli triomfi, apparati e delle cose più notabili, fatte nelle sontuose nozze dell’Illustrissimo et Eccellentissimo signor duca Guglielmo, primo genito del generosissimo Alberto Quinto, conte palatino del Reno e duca della Baviera alta e bassa, nell’anno 1568, a’ 22 di febraro, di Massimo Troiano da Napoli, Musico dell’Illustrissimo et Ecc. signor duca di Baviera. In Monaco, appresso Adamo Montano, MDLXVIII.
Flaminio Scala, Prologo della comedia del Finto Marito, in Venetia, appresso Andrea Baba, 1618 (1619) ; Il Teatro delle Favole Rappresentative, overo La Ricreatione Comica, Boscareccia, e Tragica : divisa in cinquanta giornate. In Venetia, appresso Gio:Battista Pulciani. MCDXI.
Pier Maria Cecchini, nobile ferrarese, fra’ comici detto Frittellino, Frutti delle moderne comedie et avisi a chi le recita, Padova, 1628.
Nicolò Barbieri, La Supplica Discorso Famigliare di Nicolò Barbieri detto Beltrame diretta a quelli che scrivendo ò parlando trattano de Comici trascurando i meriti delle azzioni virtuose. Lettura per quei galantuomini che non sono in tutto critici, ne affatto balordi. In Venezia con licenza de’ Superiori e Privilegio per Marco Ginammi Lanno MDCXXXIV.
Luigi Riccoboni, Histoire du Théâtre Italien, A Paris, De l’Imprimerie de PIERRE DELORMEL, 1728.
Antonio Piazza, Il Teatro ovvero fatti di una Veneziana che lo fanno conoscere, in Venezia 1777.
Le mime Séverin, L’Homme Blanc, souvenir d’un Pierrot, Plon, Paris, 1929.
Dario Fo, Manuale minimo dell’attore, Giulio Einaudi Editore, Torino, 1987.
Antonio Fava, La Maschera Comica … cit. Maschera & Maschere, catalogo della mostra Les masque Comiques d’Antonio Fava, par THEATRUM COMICUM, Ginevra, 2010.
Vita Morte e Resurrezione di Pulcinella, ArscomicA, Reggio Emilia, 2014.
Et beaucoup d’autres encore, avec des noms plus importants, mais malgré tout une petite troupe dans la multitude des acteurs.
4. J’aime beaucoup le verbe faire.
Antonio Fava - Biographie
Il est directeur de la Scuola Internazionale dell’Attore Comico – SIAC (Ecole Internationale de l’Acteur Comique) de Reggio Emilia, en Italie.
Il élabore les projets et réalise les masques en cuir utilisés dans son école et lors de ses spectacles. Il enseigne la Commedia dell’Arte auprès d’Instituts, Universités et Académies d’Art Dramatique du monde entier.
Ses masques sont exposés dans d’importants musées et des institutions culturelles. Il est un metteur en scène international et auteur du livre La Maschera Comica nella Commedia dell’Arte, publié aux éditions Andromeda. La version anglaise, The Comic Mask in the Commedia dell’Arte, est publié par la Northwestern University Press.
John Rudlin
The Routledge Companion to Commedia dell’Arte
AAVV
Routledge, London, 2015
I SERVI (LES VALETS)
ZANNI LUPO
Toutes les autres interprétations du nom sont forcées ou fantaisistes, par exemple, celle qui fait découler Zanni de sannio, qui est un des synonymes latins de histrio, c’est-à-dire histrion, bouffon, comique.
Dans les prononciations du sud des appenins tosco-émiliens le nom est clairement exprimé : Gianni et Gian qui sont des diminutifs de Giovanni (Jean en italien). Le « z » de la région alpine de la plaine du Pô dialectise le nom, mais n’en change pas la racine ni la signification. Zanni est le nom propre à un serviteur de la Commedia dell’Arte, qui est historiquement le premier personnage de l’Improvvisa. À l’époque où celle-ci était jouée avec de petits groupes de personnages d’aspect similaire : masques, comportements et noms. Où « Zan » se trouve être une sorte de préfixe identique pour tous, suivi d’un qualificatif qui caractérise l’individu : Zan Salsiccia (Jean Saucisse), Zan Fritello (Jean Beignet), Zan Tabacco (Jean Tabac) et ainsi de suite. Chaque acteur inventait le sien.
Avec ces personnages, les premiers personnages « dell’Arte » représentaient des histoires brèves et cruelles, autour de la faim, du vol, des bagarres, de manière effrontément spectaculaire. On les appelait « Zannate ». Ces « Zannate » ou comédie zannesque, interprétées par des acteurs qui jouaient les zanni, est la forme originaire de la Commedia dell’Arte.
Par extension, lorsqu’on l’emploie au substantif, zanni signifie généralement serviteur, le personnage du serviteur dans la Commedia dell’Arte, n’importe lequel. Le nom de Zanni à proprement parler, s’utilise donc sur scène, dans la comédie pour un seul personnage à la fois. L’homonymie des différents personnages n’existe pas dans les représentations de Commedia dell’Arte. Le substantif zanni est un terme technique et on ne l’utilise pas dans l’histoire. Le maître, Pantalone par exemple, n’appellera pas « son zanni », mais « son serviteur ». Si son serviteur s’appelle Zanni, alors Pantalone appellera Zanni. Un acteur sera en mesure alors d’interpréter un « zanni » qui peut s’appeler « Zanni » ou autrement. Nous pouvons donc avoir sur scène « beaucoup de zanni », lesquels se nommeront Zanni, Brighella, Franceschina, Truffaldino, ou bien Zan Trivella (Jean Villebrequin), Zan Farina (Jean Farine), Zagna, Zan Tager. Chacun de ces personnages sera interprété par autant d’artistes spécialisés, chacun dans son propre zanni.
PULCINELLA
Pulcinella a aujourd’hui beaucoup, sinon trop d’histoire en lui pour être réduit à une seule définition : il est pirandellien, il n’est personne et cent mille à la fois. Il est le symbole comique de la plus impérative urgence, de la survie pure et dure. C’est pour cela qu’il est tout le monde à la fois : il n’y arriverait pas tout seul.
I VECCHI (LES VIEILLARDS)
MAGNIFICO
DOTTOR PLUS QUAM PERFECTUS
Le masque à la structure la plus réduite qui soit : le front et le nez. Le front est indispensable comme symbole de la génialité et le nez en tant que centre comique du visage. Docte en tout, il est en réalité la continuation de l’ancien charlatan, qui impose un savoir spectaculaire, mais à vrai dire suspect. Il est au fait de l’ignorance des autres personnages sur laquelle il sait pouvoir toujours compter. En effet, ces derniers sont tous, qui plus qui moins, des ignorants (serviteur, Capitano) ou alors bien trop emportés par leurs immenses joies et leurs terribles douleurs (les amoureux),
I CAPITANI (LES CAPITAINS)
CAPITANO SPAVENTA
Le Capitaine, dans la Commedia, est le guerrier, le vaillant, le mercenaire, l’homme d’armes. Valeureux combattant et grand amant, il est un héros sur les deux fronts.
Il est solitaire autant pour des motifs comico-poétiques que fonctionnels. Il constitue un couple comique avec son serviteur, lorsqu’il a un. C’est un étranger, il vient de loin, il a parcouru le monde entier, il a vu des choses que lui seul peut avoir vues et accompli des choses que lui seul peut avoir accomplies. Il parle sa langue d’étranger, mélangée (de façon suspecte) à celle du lieu, c’est-à-dire celle du public. Le Capitano est naturellement fanfaron, il représente le fanfaron par excellence. Militariste convaincu d’aventures extraordinaires, il est l’acteur de prouesses et de prestations tant héroïques qu’érotiques. En réalité, c’est un simple couard. Mais cette terrible réalité dont il a une vague et inquiétante conscience, il faut absolument la cacher. Il exacerbe son image virile et victorieuse pour en tirer des avantages et des satisfactions, mais sans doute pour dissimuler surtout, l’intime vérité qui le torture atrocement. Le Capitano est très actuel, il est de « notre époque ». Tout son être tend à renvoyer une image glorieuse et grandiose sans laquelle il est fini, foutu, inexistant, mort. Mais chacune de ses tentatives pour imposer l’image qu’il a de lui est un pas de plus vers le désastre. Le Capitano qui déploie sa bravura1 est l’exemple idéal d’un théâtre pensé pour tout genre de public, tous les niveaux d’entendement et tous les goûts.
Avec sa fonction d’« intrus », d’« importun », le Capitano porte sur lui l’empreinte de la culpabilité et le destin « d’être démasqué ». Il se relèvera, de la honte et de la bastonnade finales, juste ce qu’il faut pour amorcer une sortie de scène « digne ». Il donnera alors libre cours à toute sa mythomanie, qui le portera à imaginer, de façon thérapeutique, un futur avec de bien plus grandes victoires et de magnifiques triomphes.
MASCHERE SOCIALI (MASQUES SOCIAUX)
ANDROGYNE
I SATIRI (SATYRES)
SATIRO «GRAND CORNU»
Le Satiro « grand cornu » est nommé ainsi pour des raisons évidentes. Ce masque comporte des éléments qui le rendent un peu classique, mais aussi
Notre Satiro ne parle pas, mais émet bien des sons expressifs et significatifs.
ZANNISKINHEAD
ZANNISKINHEAD
Tiré du livre de Antonio Fava Le Masque Comique dans la Commedia dell’Arte, ed. Arscomica.
LA COMMEDIA DELL’ARTE
Le tout produit un genre. Ce genre ne se détache pas de sa nature, qui est le théâtre : la Commedia dell’Arte est du théâtre ; professionnelle à sa naissance elle a besoin d’organisation et organise tout dès ses débuts : la Compagnie, les spécialisations de chacun (les Types Fixes), la structure dramaturgique (qui ne bouge pas pendant des siècles jusqu’à aujourd’hui);
La Commedia dell’Arte parle de gens réelles, prises dans des situations réelles, avec un style hautement spectaculaire : c’est le grand spectacle de la vérité collective, de nous tous.
Par Commedia dell’Arte, nous entendons le genre comique en général. Toutefois, « Commedia dell’Arte » est plutôt une expression qui synthétise un système productif qui rassemble des genres différents : comico-poétiques comme la Pastorale (bucolique), la Boschereccia (sylvestre), la Marinaresca (maritime), la Piscatoria (halieutique) ; épiques comme l’Opera Epica (oeuvre épique) ; tragiques comme l’Opera Tragica (oeuvre tragique).